29 novembre 2024

L’itinérance chez les 50 ans et plus à Montréal : une réalité alarmante en pleine expansion

À Montréal, 44 % des personnes dénombrées en situation d’itinérance ont 50 ans et plus, un chiffre alarmant qui illustre la gravité de la situation des aînés. De plus en plus, ces derniers se retrouvent en situation de précarité, d’itinérance ou à la limite d’y basculer.

Selon le dernier rapport de dénombrement de 2022, ce sont 44% des personnes en situation d’itinérance qui ont 50 ans et plus à Montréal. Un chiffre en hausse d’année en année. Selon ce rapport, 34% des personnes en situation d’itinérance ont entre 50 et 64 ans et 10% ont 65 ans et plus. C’est alors un visage de l’itinérance, peu visible et représenté, qui prend de plus en plus d’ampleur.

La crise du logement social ainsi que la hausse importante des coûts de la vie impactent fortement les aînés déjà vulnérables dans une société québécoise marquée par le vieillissement de la population. Les défis liés à cette crise devraient nous alerter et concerner l’ensemble de la communauté ; le manque de places en refuge et en centre de jour, la diminution des ressources, l’insécurité, la précarité et l’isolement. Les aînés en situation d’itinérance et de précarité sont également confrontés à ces enjeux tout en faisant face à des problématiques spécifiques tels que :

– Difficultés d’accès à l’information et aux services (démarches administratives, aide juridique, accès à internet ou à un téléphone portable)
– Manque d’accès aux soins de santé (aggravant les problèmes de santé déjà existants)
– Isolement social (mise en marge de la communauté et victimes de discriminations liés à l’âge)
– Difficultés pour se loger ou à maintenir un logement
– Gestion des dépendances (alcoolisme, drogues, jeux d’argent)
– Problèmes de mobilité
– Ressources financières limitées (leurs pensions de retraites ne suffisent pas toujours à couvrir l’ensemble de leurs dépenses, 16% des personnes de plus de 65 ans sont situation de faible revenus*)

Certaines de ces personnes se retrouvent confrontées à l’itinérance pour la première fois. « Les aînés que nous accompagnons sont de plus en plus nombreux à vivre dans une grande précarité, incapables de se loger ou de conserver leur logement. Ils subissent souvent un vieillissement prématuré et présentent des troubles croissants de santé physique, mentale, psychologique ou cognitive, pour lesquels il devient de plus en plus difficile de trouver des solutions. » – Céline, coordinatrice du PAS de la rue.

Cette crise de l’itinérance à aussi un impact sur la communauté. L’augmentation des campements en centre de ville attise les tensions et détériore les liens sociaux. Il peut naître un sentiment d’insécurité chez les résidents mais aussi une vulnérabilité des personnes itinérantes qui sont exposés à des risques considérables (conditions climatiques, violences, démantèlement de leurs campement…). Enfin, la méconnaissance du phénomène de l’itinérance peut engendrer du rejet envers les personnes concernées, accentuant les divisions au sein de la population.

Source : Pexels

Prenons l’exemple d’un monsieur, que nous appellerons Albert qui, par manque de moyen, vivait en colocation. Il n’a pas de bail écrit et ne connaît pas ses droits. Son colocataire a quitté le logement et Albert se trouve donc à payer le loyer seul. Le loyer est de 850$ et il reçoit 800$/mois d’aide sociale, ce qui ne lui permet pas de couvrir le loyer. Si nous ne trouvons pas d’endroit pour le relocaliser, il tombera en situation d’itinérance. Avec notre soutien, Albert s’achète un peu de temps. Sans nous et les autres ressources où il a été référé, il aurait déjà quitté son logement sous les menaces du propriétaire.

Albert c’est 1 personne sur les 1000 que nous accompagnons tout au long de l’année.

Au PAS de la rue, nous avons constaté une recrudescence de la fréquentation de nos centres de jour. « Nous voyons la situation se dégrader, en espérant toujours une amélioration qui tarde à venir. Le rythme effréné est devenu notre quotidien. » Céline, coordinatrice du PAS de la rue

Depuis le début de l’année 2024, plus de 1000 personnes de 55 ans et plus ont été rejointes par nos services. Sur les six derniers mois, ce sont 30 nouvelles personnes en moyenne que nous avons admis chaque mois à travers nos deux centres de jour. De plus en plus d’aînés passent les portes de nos centres de jour pour la première fois pour recevoir une aide. Depuis juillet 2024, la moyenne de fréquentation de notre centre de jour Centre-Sud est à 100 personnes par jour, contre 65 l’année passée, ce chiffre pouvant atteindre les 120 personnes par jour. Une progression de la fréquentation est clairement notable également au centre de jour Mercier-Est qui accueille environ 50 personnes en moyenne par jour jusqu’à pouvant atteindre 65. Dans ce quartier touché par une précarité grandissante, un désert alimentaire et un manque criant de ressources essentielles accessibles, de plus en plus d’aînés en situation de vulnérabilité sollicitent notre aide pour retrouver une certaine stabilité et éviter de sombrer dans l’itinérance. Une itinérance souvent cachée devient ainsi de plus en plus visible.

Notre équipe œuvre quotidiennement à la stabilité et à l’accueil des 55 ans et plus en situation de grande précarité et d’itinérance. Nous offrons un ensemble de services complémentaires visant un accompagnement global, incluant : un service alimentaire gratuit, un soutien psychosocial en centre de jour et de proximité personnalisé pour aider les personnes à surmonter leurs difficultés, des activités favorisant la réintégration sociale et la lutte contre l’isolement, ainsi que 67 logements subventionnés avec soutien communautaire offrant une stabilité résidentielle. L’ensemble de ses services participent à prévenir et lutter contre l’itinérance des aînés de manière durable.

Le PAS de la rue est l’un des seuls organismes à Montréal entièrement dédié aux aînés de 55 ans et plus en situation d’itinérance, de précarité et d’isolement. Depuis 27 ans, nous adaptons et faisons évoluer nos services pour répondre au mieux à leurs besoins. Cependant, comme nous l’avons mentionné tout le long de cet article, nous constatons une augmentation significative du nombre d’aînés touchés, des besoins grandissants et de plus en plus complexes, dans une société marquée par de multiples crises. Il est alors crucial et urgent que les différents acteurs et la société dans son ensemble prennent conscience de cet enjeu pour y répondre et trouver des solutions durables. A notre échelle, nous essayons de faire une différence auprès de nos aînés, aidez nous à réaliser notre mission. Faites un don.

 

Si vous ou une personne de votre entourage vit ou est susceptible de vivre une situation d’itinérance voici une liste de ressources :
Carte interactive des services d’hébergements d’urgence
Répertoire des ressources en hébergement communautaire et en logement social du RAPSIM

Aller plus loin

https://www.lapresse.ca/actualites/sans-logis-de-plus-en-plus-vieux/2024-03-02/on-vit-dans-les-sacs.php

Sources :
Observatoire québécois des inégalités
Rapport de dénombrement des personnes en situation d’itinérance visible à Montréal en 2022

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